Ce que l'oeil ne voit pas

"Rencontrer Christine Bouvier, au creux de son atelier, dans la curieuse maison-boutique à la croisée des rues du petit village de Jouy-le-Moutier, c’est accepter de faire un pas de côté et d’introduire un léger flou dans le regard qu’on pose habituellement sur les choses les plus humbles, celles que précisément on ne voit plus.

Cette expression, un pas de côté, je la lui emprunte et la revois me le dire, joignant le geste à la parole, pour me faire comprendre un aspect essentiel de sa démarche. Justement cela, un regard, puis un pas de côté, et inévitable ment un autre regard. Ces infinies et presque imperceptibles variantes sur les mêmes thèmes donnant naissance aux séries des dolines,
des promenades, des murmures, et précisément des contrepoints.

De ce regard posé sur les lieux, à l’image réinventée lors de la remémoration dans l’atelier, émerge une cartographie sensible où les accidents de terrain peuvent se lire comme autant de cicatrices, de rides, de fentes. Le paysage, dans ses détails, devient l’épiderme d’un corps immobile et pourtant en
recomposition. Et l’eau d’une densité glauque, partout présente dans cette mangrove palpitante, irrigue les entailles et les revivifie.

Répétition des motifs, rythme des gestes du travail, matérialité du labeur si physique au moment de graver le cuivre, Clovis Prévost dans le beau film qu’il consacre à Christine Bouvier, a entrouvert pour nous la porte de l’atelier du poète."

Anne-Laure Sol, Directrice du Musée.